PROLOGUE
Là, sur le bord du trottoir, à
quelques ruelles du bar où nous venions de passer un agréable moment en
tête-à-tête, je serrais contre moi le corps inanimé de Fabrizio. Mes oreilles
bourdonnaient sous l’effet du choc. Abasourdi, mon esprit refusait de croire
que tout s’était passé si vite, que notre vie avait basculé en quelques secondes, et je ne pouvais détacher
mon regard de l’imposante tache sombre qui maculait son flanc gauche, ne
cessant de s’agrandir. Du sang. Mes propres mains en étaient recouvertes,
tandis que je mettais tout en œuvre pour compresser la plaie du mieux possible.
Mon cœur battait à tout rompre, pris de panique comme un animal en cage. Que
pouvais-je humainement faire de plus pour maintenir mon compagnon en vie, le
temps que les secours arrivent ? La nausée m’étreignait la gorge.
Tout près de nous, gisait le corps
d’un individu, étendu dans une flaque pourpre. L’agresseur qui, quelques
minutes plus tôt, avait poignardé Fabrizio. Sans hésiter, je m’étais emparé de
son arme et l’avait retournée contre lui, lui portant un coup en plein thorax.
Impitoyable. Une rage insoupçonnée m’avait dominé et je n’éprouvais aucun état
d’âme face au cadavre de ce type sur le sol. J’aurais dû me sentir coupable.
Peut-être. Seulement, ce n’était pas le cas. Tout était beaucoup trop
embrouillé. Il faisait nuit noire et la lumière blafarde du lampadaire qui nous
éclairait rendait le visage de Fabrizio encore plus pâle.
Une main glissa le long de ma joue.
Celle de mon petit-ami qui essuyait les larmes que je ne parvenais pas à
retenir. Allais-je me réveiller, sortir de ce cauchemar ? J’y croyais avec
la force du désespoir. Tout ceci était réel. C’était lui que j’enlaçais, comme
si j’allais vraiment le perdre en rompant ce simple contact, sa vie reliée à la
mienne, tandis que je le sentais partir inéluctablement. Je ne pouvais rien
faire d’autre qu’attendre. « Entendu,
Monsieur. Restez où vous êtes, nous arrivons au plus vite », m’avait
dit la voix d’un urgentiste au téléphone. Une éternité semblait s’être écoulée
depuis ce coup de fil.
— Ça va aller, ne cessais-je de murmurer, comme si
ces quelques mots à eux seuls avaient la faculté de sauver l’homme que
j’aimais.
Ses mains tremblaient. Ou peut-être
étaient-ce les miennes ? Je ne savais plus vraiment. Nos vêtements étaient
trempés, car il s’était mis à pleuvoir à verse dès notre sortie de ce foutu
bar, juste avant que…
Ma mâchoire se crispa. Si seulement
je pouvais remonter le temps ! J’avais envie de hurler, de frapper le
bitume à m’en briser les poings tant je me sentais impuissant ! Tout ceci
était de ma faute ! J’avais été totalement incapable de protéger l’être
qui comptait le plus dans ma vie et je me haïssais pour ça !
J’entendis les sirènes résonner au
loin. Les véhicules de secours devaient se trouver au niveau de la quatrième
rue. Ils ne mettraient plus longtemps à arriver jusqu’ici.
— Tiens bon, OK ? Tu seras bientôt tiré
d’affaire.
Je lui caressais tendrement les cheveux, afin d’apaiser ses
craintes autant que les miennes. Je n’étais pas croyant, aussi ne pouvais-je
compter que sur mes seuls espoirs. Tout finirait par s’arranger. Il le fallait.
Enfin, une équipe médicale arriva
sur place et Fabrizio me fut presque arraché des bras pour être transporté
d’urgence dans une ambulance. Impossible de l’accompagner. Après avoir répondu
aux questions du médecin, je demeurai seul un moment, peut-être une minute ou
deux, assis sur le rebord du trottoir, les genoux repliés et le visage défait,
jusqu’à être rattrapé encore plus durement par la réalité. Complétant ce
cortège de sirènes et de gyrophares, deux véhicules de police se garèrent face
à moi dans la foulée. Je sus dès lors
que je devrais payer le prix fort pour le meurtre de l’homme qui nous avait
attaqués.
Tout s’enchaîna très vite. Trop. En une fraction de secondes, des flics me bloquèrent les mains dans le dos, afin
de me passer les menottes. La portière d’une des voitures s’ouvrit. On me fit
passer à l’arrière. Je ne pus qu’assister, impuissant, au départ de
l’ambulance qui emportait mon petit ami. Allait-il s’en sortir ? À cet
instant, je n’avais aucune certitude. Légitime défense ou non, il n’en
demeurait pas moins que ce soir, j’étais devenu un meurtrier…
Ça commence très bien début très prometteur
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